Les pénuries de médicaments sont réelles au Nouveau-Brunswick et nous devons agir ensemble pour empêcher leur aggravation.

30 avril 2020

Les pénuries de médicaments sont réelles au Nouveau-Brunswick et nous devons agir ensemble pour empêcher leur aggravation. 

par Sam Lanctin

L’objectif et mandat de l’Ordre des pharmaciens du Nouveau-Brunswick est principalement de promouvoir et de protéger la santé et le mieux-être du public en collaboration avec les autres disciplines de la santé. Autrement dit, nous travaillons à assurer le bien-être du public en réglementant les pharmaciens, les techniciens en pharmacie et la profession de la pharmacie. De plus, l’autorité législative conférée à l’Ordre l’oblige à assurer l’utilisation sécuritaire, rationnelle et efficace des drogues légales et des dispositifs connexes, en conformité avec la Loi de 2014 sur les pharmaciens du Nouveau-Brunswick.

Le 23 avril dernier, le comité multipartite du Cabinet sur la COVID-19 créé par le gouvernement du Nouveau-Brunswick renversait unilatéralement la directive émise le 16 mars par l’Ordre des pharmaciens du Nouveau-Brunswick, qui limitait le renouvellement des ordonnances dans la province à une provision de 30 jours. Cette annulation survient alors même que dès la mi-mars, la demande de médicaments d’ordonnance avait augmenté de plus de 200 % au Canada parce que les gens estimaient avoir besoin d’accumuler des médicaments, ce qui n’a fait qu’empirer les pénuries.

Plusieurs administrations et organismes de réglementation professionnelle partout dans le monde ont également adopté ou recommandé la limitation temporaire des ordonnances à 30 jours afin de stabiliser la chaîne d’approvisionnement durant la crise de la COVID-19, y compris en Amérique du Nord, en Europe et en Australie. Et voilà que le Nouveau-Brunswick se distingue de presque toutes les administrations du pays en faisant abstraction du danger et des avertissements des experts en matière de chaîne d’approvisionnement. Une situation regrettable, c’est le moins qu’on puisse dire.

Parmi ces experts, on retrouve l’Association canadienne de la gestion de l’approvisionnement pharmaceutique qui a déclaré ce qui suit, pas plus tard que le 9 avril : « Le passage de provisions de 90 jours à 30 jours en médicaments d’ordonnance permet à la communauté élargie de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique de lutter efficacement contre l’augmentation marquée de la demande et de protéger l’approvisionnement pour les Canadiens à court et moyen termes. »

Les distributeurs nous disent très clairement que la limite temporaire de 30 jours a un effet positif. On le comprend bien, étant donné que plusieurs des ingrédients de fabrication des médicaments ont leur source en Chine et en Inde, où la COVID-19 a semé le chaos dans la production et le transport.

Tous les jours, les pharmaciens reçoivent de leurs distributeurs des commandes en rupture de stock parce que les produits ne sont tout simplement pas disponibles. Plusieurs des lecteurs auront sans doute déjà obtenu des renouvellements partiels de leurs ordonnances parce que leur pharmacie n’avait pas pu se procurer certains produits. Un site Web national a même été créé pour signaler les pénuries de médicaments : https://www.penuriesdemedicamentscanada.ca/

Après avoir maintes fois répété l’explication de ces faits au gouvernement, nous nous faisons dire : « Il n’y a pas de pénuries avérées de médicaments au Nouveau-Brunswick. » Nos patients viennent aussi nous citer des propos semblables que les responsables du gouvernement ont tenu lors du point de presse du premier ministre jeudi dernier. C’est frustrant d’avoir à gérer cela.

Nous reconnaissons que le prix à payer a augmenté pour certains patients en raison de la directive d’une provision de 30 jours. Afin de venir en aide aux personnes les plus vulnérables de notre société, y compris les aînés à faible revenu et d’autres Néo-brunswickois démunis, le gouvernement a décidé très tôt de couvrir leur copaiement. C’était ce qu’il fallait faire à l’appui de cette mesure temporaire en période extraordinaire et le gouvernement mérite nos félicitations pour cette action. Les efforts du gouvernement pour mettre en place cette assistance pour les personnes dans le besoin nous ont semblé relever d’une reconnaissance de la restriction des provisions à 30 jours.

D’autres patients qui ne sont pas inscrits aux régimes de médicaments du Nouveau-Brunswick (qui n’ont aucun régime d’assurance-médicaments ou souscrivent à une assurance privée) ont été obligés de débourser le copaiement complet pour chaque renouvellement. La restriction à 30 jours était prévue comme une mesure temporaire et malgré le fait que certains patients aient subi des difficultés financières et un supplément de stress, les pharmacies ont observé la directive de l’Ordre et donc agi dans l’intérêt supérieur du grand public durant cette pandémie.

Entretemps, le personnel des pharmacies se fait accuser de gonfler les prix, se fait engueuler et se fait même lancer des objets par des patients vexés. Les pharmaciens ont leurs patients très à cœur et font ce qu’ils peuvent pour les aider et les accommoder. Les pharmaciens et les techniciens en pharmacie sont aux premières lignes de la pandémie de COVID-19 depuis le premier jour. Les équipes de pharmacie travaillent de très longues heures, plusieurs pharmacies offrent un service de livraison à leurs propres frais ou mettent en place un service de ramassage dans le stationnement – en plus d’assurer le counseling habituel dispensé gratuitement aux patients et la gestion des commandes en rupture de stock.

En ce moment les gens du Nouveau-Brunswick doivent comprendre qu’il sera impossible de fournir des provisions de 90 jours pour plusieurs médicaments, dès maintenant et peut-être à long terme.  L’Ordre et les pharmaciens dans toute la province ont l’obligation déontologique et professionnelle de continuer à surveiller de près l’approvisionnement.  Lorsqu’il est possible et approprié de le faire, nous avons demandé aux pharmaciens de se conformer à l’ordonnance gouvernementale et de fournir des provisions de 90 jours. Lorsque ce n’est pas possible, les pharmacies devront limiter les provisions de médicaments qui présentent des pénuries. Les pharmacies ne peuvent pas créer des médicaments comme par magie lorsque les distributeurs de médicaments n’en ont plus.

Pour le moment, je prie tous les Néo-Brunswickois qui le peuvent de demander volontairement des renouvellements de 30 jours au lieu de 90 jours. Cela nous aidera à faire notre part, comme province, pour stabiliser la chaîne d’approvisionnement en médicaments. Il est entendu que tout le monde ne pourra pas suivre cette recommandation, mais si vous le pouvez ce serait très utile.

L’Ordre des pharmaciens du Nouveau-Brunswick a l’obligation déontologique de veiller à prévenir de futures pénuries de médicaments; sa capacité de répondre à cette obligation a toutefois été entravée. Permettez-moi de déclarer clairement que l’Ordre des pharmaciens du Nouveau-Brunswick persiste dans sa décision antérieure d’ordonner aux pharmaciens de poser temporairement une limite de 30 jours aux renouvellements d’ordonnances. C’était – et ça demeure – la meilleure marche à suivre si on se fie aux données et à l’opinion des experts.

Qu’il soit bien entendu que le gouvernement provincial et le comité multipartite du Cabinet sur la COVID-19 – composé des chefs de chacun des partis – ont endossé l’entière responsabilité de tout impact négatif que l’affaiblissement continu de la chaîne d’approvisionnement en médicaments pourra avoir sur le Nouveau-Brunswick pendant les semaines, les mois et peut-être les années à venir. Le but de nos restrictions valables était d’empêcher proactivement la dégradation accrue de la chaîne d’approvisionnement. Cette prérogative professionnelle nous a maintenant été retirée. Une fois qu’une pénurie s’installe, il est trop tard.

Pour terminer, je veux remercier sincèrement tous les autres travailleurs de première ligne au Nouveau-Brunswick – en plus du personnel des pharmacies – pour leur excellent travail durant cette pandémie, dans des conditions parfois très éprouvantes.

Sam Lanctin est le registraire de l’Ordre des pharmaciens du Nouveau-Brunswick.

http://choisissez30nb.ca/

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